Il y a 200 ans, le sucre de betterave

 

 

En 1806, l’Empereur Napoléon 1er décrète  le blocus continental pour asphyxier son ennemie l’Angleterre. En 1808, malheureusement son système se retourne contre lui. Le sucre de canne des Antilles ne parvient plus ou difficilement en France. Il faut trouver un ersatz.

Depuis 1801, le chimiste prussien Franz Karl Achard a mis au point expérimentalement une technique qui permet d’extraire de la betterave du sucre. Son procédé n’est pas développé. Et pourtant, si on extrayait le sucre de la betterave qui est essentiellement cultivée comme plante fourragère, on en tirerait un gros bénéfice !

En 1809, Crespel-Delisse dépasse le stade du laboratoire et crée une sucrerie à Lille.

En 1810, 3 sucreries naissent en Picardie.

Chaptal, Barruel et le pharmacien Deyeux convainquent l’Empereur, grâce à leurs travaux, d’investir dans cette plante.

CHAPTAL et DEYEUX, deux noms que nous connaissons dans notre région du Liancourtois.

Le premier, Chaptal, en l’an IX signe le procès verbal de remise d’une médaille d’argent lors de l’exposition publique des produits de l’industrie française. Il est Ministre de l’Intérieur. Cette médaille récompense pour l’An VI et l’An IX les sieurs Cahours père et fils, manufacturier à Rantigny (près de l’église saint Césaire), pour de la bonneterie de coton d’une excellente qualité (revue numéro 3).

Le second Deyeux est pharmacien de l’Empereur, mais c’est son fils qui nous est connu. Il se prénomme Nicolas. Il a été le propriétaire du château de Monchy-saint-Eloi. Dans ce château, il a repris la fabrication des carreaux étrusques abandonnée par le duc de Larochefoucauld. Cette fabrication est ramenée au château et se développe (revue numéro 9, le château de Monchy) puis elle périclitera à son tour.

Le nom de Deyeux est connu également à Liancourt, où a vécu Madame Deyeux, rue de l’abbé Ferry (recensement de la population sur le site des Archives départementales de l’Oise, revue rues et commerces de Liancourt des Amis de l’Histoire à paraître). Elle avait une fille qui fut professeur de piano. Son terrain et sa maison sont aujourd’hui un lotissement nouvellement construit qui donne rue de Rieux

Revenons à notre betterave sucrière. Le 25 mars 1811, Napoléon 1er publie un premier décret ordonnant la plantation de 32 000 ha de betteraves. En Picardie, 400 ha sont à planter. Rantigny en reçoit 100 ares, une première. Puis Napoléon décide la création de sucreries, mais elles disparaîtront avec sa chute en 1815.

En 1839, plus de 100 sucreries sont en activité. La mise au point d’instruments performants, comme la charrue Brabant produite à Liancourt et à Bresles, témoignent de ce bel élan d’innovation.

En 1876, à Villeneuve-sous-Verberie, Quarez utilise le premier, l’extraction du sucre par diffusion.

Vers 1880, la Picardie est la 1ère région de France pour la production du sucre de betterave. En 1889, il existe 166 sucreries en Picardie.

La Première Guerre mondiale met un coup de frein à cette économie. Francières, la sucrerie dirigée par une femme, est détruite, trop près de la ligne de front pour être épargnée par les bombes et les obus.

Puis il y a un nouvel essor avec les sucreries de Bresles, St Just-en-Chaussée, Froyères pour ne citer que ces dernières.

En 2005, il ne reste plus que 6 unités en Picardie dont celle de Villeneuve-sous-Verberie qui crache toujours ses flots de fumées blanches dans la campagne près d’Estrées-saint-Denis.

Dans l’Aisne, Origny-sainte-Benoîte produit du bioéthanol (3 millions d’hl d’alcool de betteraves dont la moitié transformés en éthanol)

En mars 2012, LA SUCRERIE, installée dans l’ancienne sucrerie de Francières réhabilitée, ouvrira les portes de son musée consacré à l’histoire de la betterave (une documentation existera aussi sur la sucrerie de Bresles dont quelques vestiges sont encore visibles de la route qui mène à Beauvais).

1811-2011, 200 ans pour cette dame qui se porte bien avec une année exceptionnelle de production pour la campagne 2011. Pourvu qu’on n’entrave pas sa prospérité : sucre et éthanol !